C’est sous un soleil de plomb que le festival ROCK SEINE prend place pour sa 14ème édition aux portes de Paris. Après avoir gouté aux joies des capricieux transports en commun d’Île-de-France, il n’y a plus qu’à se munir de son traditionnel bracelet de festivalier pour pouvoir parcourir les scènes du Parc National de Saint-Cloud.
VENDREDI 26 AOÛT
Pour commencer, direction la scène de la Cascade pour voir si DAMIAN "JR. GONG" MARLEY est le digne héritier de son père. Avec ses dreads qui lui arrivent aux talons, il délivre une prestation des plus traditionnels, sans réelle valeur ajoutée à ce qui se fait habituellement en matière de reggae. Choristes africaines, drapeau rastafari et discours sur la marijuana : tout y est, et c’est sans surprise. Et comme on fait dans le classique, autant rendre hommage au paternel avec une reprise de « No Woman No Cry ».
Rapidement, il est temps de se ravitailler du côté de la scène de l’Industrie pour accueillir comme il se doit les américains de CLUTCH. Avec leur stoner rock parsemé de blues et de rockabilly, ils seraient capable de rendre n'importe quel bobo parisien encore plus redneck qu'un paysan texan. Un show énergique et incroyablement efficace, qui s’achève sur leur tube « Electric Worry » (From Beale Street To Oblivion, 2005.
Après ce show à 100 à l’heure, on enchaîne avec la scène Pression Live (blindée à craquer) pour observer les ROYAL REPUBLIC. Devant un public déjà conquis, ils délivrent un set rock hautement inspiré par THE HIVES. Ici, pas de grande révolution musicale : c’est simple et efficace.
Aux abords de la scène de la Cascade, les BIRDY NAM NAM balancent leur musique électronique désormais méconnaissable. Dès lors, exit le turntabilism pour laisser place au clubbing. Même « Abbesses » (Birdy Nam Nam, 2005) subit les frais de ce changement de style radical, l’absence de DJ Pone se faisant cruellement ressentir.
Sur la Grande Scène, c’est THE LAST SHADOW PUPPETS qui joue en tête d’affiche de ce vendredi. Malgré la classe indéniable du leader d’ARCTIC MONKEYS, il n’y a pas grand-chose de convainquant à l’issu des deux premiers morceaux du set. En effet, le britannique troque ici le britrock de son groupe principal pour plus - voire trop - de légèreté avec ce side project.
Cette première soirée s’achève finalement à proximité de la scène de l’Industrie avec l’électro-disco de BREAKBOT. De quoi réveiller un peu les esprits et se motiver pour le trajet du retour.
SAMEDI 27 AOÛT
Arrivé sur le site, la chaleur impose un premier rafraichissement sur la butte de la Grande Scène où le rock de BEACH SLANG n’aura pas vraiment marqué l’esprit.
Par conséquent, direction la scène de la Cascade pour voir THE UNDERACHIEVERS. En plein cagnard, les deux lascars servent un hip-hop des plus pêchus, mêlant habilement des instrus bien pensées et un flow ultra efficace. De quoi ambiancer correctement ce début d’après-midi caniculaire.
Retour ensuite vers la Grande Scène pour attendre avec impatience le stoner britrock de WOLFMOTHER. Hélas, le concert est en parti gâché par un son digne d’une première partie de Stade de France. Fort heureusement, cela n’enlève rien à l’énergie qui se dégage du gang de l’australien Andrew Stockdale, le guitariste/chanteur/compositeur et seul membre permanent de la formation. Comme à l’accoutumé, Ian Peres (basse/clavier), s’active sur scène avec frénésie : il jongle parfaitement entre sa basse et son clavier, jouant parfois les deux en même temps. Les 50 minutes de show passent beaucoup trop vite, avec une setlist majoritairement orientée sur les tubes de l’album éponyme. Seuls les singles « Victorious » et « Gypsy Caravan » sont les représentants de leur dernière galette sortie en février 2016. Malgré un « New Moon Rising » qui conquit l’assemblée, on regrettera l’absence de « California Queen », issu du même album Cosmic Eggs sorti en 2009. Le final est explosif avec « Joker & Thief » (Wolfmother, 2005), et même si on a passé un bon moment, on quitte WOLFMOTHER avec un petit goût d’amertume. Après leur show incroyable au Trianon en février dernier, il est frustrant de les voir aussi tôt dans la journée, avec un set court et un son mauvais.
Sous une chaleur étouffante, il devient difficile de trouver un coin d’ombre du côté de la scène de la Cascade pour regarder les CASSEURS FLOWTERS. Ici, Orelsan chante ses titres radio edit encore moins bien que sur CD pendant que Gringe rap avec une aisance magistrale. On se demanderait presque qui a révélé qui… Leur mise en scène est fun mais quelque peu douteuse, et on appréciera la petite démonstration de turntabilism de DJ Pone. De quoi nous rappeler à quel point c’était lui qui tenait la boutique dans BIRDY NAM NAM… Un show finalement passable.
Sur la Grande Scène c’est au tour des britanniques de BRING ME THE HORIZON. Faisant office d’ovni dans cette programmation de ROCK EN SEINE, tant par leur style originel que par leur position sur l’affiche, ils n’en sont pas moins attendus à en juger le monde qui s’amasse. La formation, d’abord deathcore puis metalcore, officie dorénavant dans le nü metal/fusion. Impossible de ne pas penser à LINKIN PARK quand on écoute leurs derniers singles, en particulier « Thrown » (That’s The Sprit, 2015). Comme reliquats de leur passé metalcore, on retrouve quelques breakdowns fédérateurs et un Oliver Sykes (chant) qui scande des gimmicks du genre tels que « Circle pit ! », « Wall of death ! » et « Push it back ! ». Le plus incroyable, c’est que ça marche plutôt bien. Cependant, il est loin le temps de « Pray For Plagues » (Count Your Blessing, 2006) et « Diamonds Aren’t Forever » (Suicide Season, 2008). Alors autant leur show du Hellfest était étonnement appréciable, autant cette fois-ci, c’était relativement soporifique. A leur décharge, le son de la Grande Scène était une fois de plus brouillon.
Vers la scène de la Cascade, c’est le phénomène LA FEMME qui investit les planches. Leur électro-pop-rock un peu barré est rapidement agaçant et s’apparente à une musique de pseudo-dépressif déterminé à rester résolument perché. En conclusion : pas de quoi s’attarder.
Naturellement, les bars qui entourent la scène de l’Industrie deviennent un exutoire des plus désaltérants en attendant L7. Avec leur gros son rock’n’roll, les mamies du grunge façon 90’s débarquent finalement pour nous en mettre plein les mirettes. Super énergiques, les californiennes ont encore la pêches et ne se sont clairement pas reformés pour enfiler des perles. Une excellente surprise, surtout après les critiques peu élogieuses de leur show au Hellfest 2015.
Malheureusement, il faut s’activer avant la fin du show pour grossir les rangs de plus en plus serrés de la scène de la Cascade. Là, le trio islandais SIGUR RÓS délivre une prestation live visuellement irréprochable : structure métallique en LED imposante, vidéos psychédéliques planantes et projections de lumières éblouissantes. Musicalement, c’est une immersion complète sur la terre natale du combo, là où les fjords règnent et la toundra domine. Très orchestrés, les titres s’apparentent souvent à des BO de films documentaires avec une influence trip-hop. Mention spéciale pour le titre «Sæglópur » (Takk…, 2005) avec sa grosse claque post-rock majestueuse. Cependant, le chant lyrique est un peu trop poussé et devient difficilement supportable au bout des deux tiers du show.
Pour se réveiller efficacement, ça se passe sur la butte de la scène de l’Industrie avec le son des NAIVE NEW BEATERS (qui remplacent EAGLES OF DEATH METAL suite aux polémiques liés aux propos de Jesse Hughes). Mêlant à la fois rock, électro, hip-hop et disco, le groupe ambiance parfaitement n’importe quel festivalier amorphe. Le frontman, relativement perché, invite le public à « chalouper » au rythme de ses comparses. Une ambiance fraiche, léchée et festive, parfaite pour clôturer la soirée.
DIMANCHE 28 AOÛT
Pour cette dernière journée, on démarre sur la Grande Scène avec le stoner rock bluesy de BLUES PILLS. Mené par une frontwoman d’une beauté incroyable, toute de leggins vêtue, le groupe délivre un rock façon 70’s hautement influencé par le stoner à tendance psychédélique. Comme si BLACK SABBATH, JIMI HENDRIX et ARETHA FRANKLIN avaient expérimentés une nouvelle composition de LSD. La batterie manque un peu de pêche, mais ça n’enlève rien à l’énergie qui se dégage du quatuor. Le son est super, mettant parfaitement en avant la voix d’Elin Larsson. Un super show au-delà de toutes espérances.
A l’autre bout du Parc National de Saint-Cloud, c’est le groupe d’arabian rock IMARHAN qui joue sur la scène Pression Live. Percussions traditionnelles, sonorités orientales et chant arabe : de quoi nous rappeler que le rock n’a définitivement pas de frontière.
Pour enchaîner, c’est sur la scène de l’Industrie que l’on retrouve l’impressionnant KILLASON. Muni d’une table de mixage, le bougre arrose la foule de son hip-hop bien trempé et très rock’n’roll. Avec son énergie débordante et son charisme renversant, il conquiert l’intégralité du public sans difficulté. Commençant son set avec des titres très proches d’un TYLER, THE CREATOR, le jeune virtuose finit sur des sons plus afro-beat, le tout marqué par une démonstration de break dance impeccable. Le final fait un carton plein et rappelle à l’assemblée le thème de cette année : « Let’s dance ! »
Il est maintenant temps d’attaquer la dernière ligne droite de ce ROCK EN SEINE 2016 avec le punk californien de SUM 41. Sur la Grande Scène, une intro ambiance un public déjà impatient avec notamment « TNT » d’AC/DC et « Master of Puppets » de METALLICA. Le set commence avec 2 titres du dernier album 13 Voices (2016), dont le très metal « Fake My Own Death ». Ça joue fort et le son est brouillon, mais ça n’empêche pas la mayonnaise de prendre. L’énergie qui se dégageait au début du show perd un peu de sa superbe avec les titres qui suivent, comme si on avait oublié à quel point le répertoire de SUM 41 était bourré de titres niais. Alors pour tenter de se justifier, ou peut-être par frustration, on a le droit à un interlude metal qui fait pogoter la moitié de l’assemblée en milieu de set. Sur scène, ça s’active avec véhémence, mais il faudra attendre une reprise de QUEEN (« We Will Rock You ») et le triplet final « Still Waiting » / « In Too Deep » / « Fat Lip » pour réellement être satisfait du show.
Une heure plus tard, c’est au tour de la plus grande légende du punk rock de débarquer sur la Grande Scène du festival. IGGY POP ouvre avec « I Wanna Be Your Dog » (THE STOOGIES) et « The Passenger » : pour ce qui est du classic shit, c’est sans concession d’entrée de jeu. L’iguane déborde d’énergie et exhibe comme à son habitude son torse nu jusqu’aux pieds du public. A presque 70 ans, on se demande comment il fait pour être toujours sommet et réaliser des shows aussi impeccables (peut-être une histoire de poudre blanche ?). C’est entrainant, ça lorgne avec le rockabilly, et le spectacle est au rendez-vous : respect papy !
Pour clôturer cette édition de la plus belle des manières, ce sont les britanniques de FOALS qui ont le privilège de fouler les planches de la Grande Scène. Avec leur dernier album What Went Down, ils ont définitivement prouvé au monde entier à quel point les patrons du britrock, c’était eux. Une fois de plus, c’est devant un public en masse qu’ils ont délivré un show incroyable. En titre d’ouverture, le puissant « Snake Oil » (What Went Down, 2015) qui comble une foule déjà acquise à leur cause. Le son est impeccable, même aux premiers rangs. Les titres s’enchainent, parcourant parfaitement l’intégralité de leur répertoire. On a le droit à tous les classiques pour le set principal, de l’entrainant « Olympic Airways » (Antidotes, 2008) à leur dernier single « Mountain at My Gates », en passant par la ballade « Spanish Sahara » (Total Life Forever, 2010). « A Knife in the Ocean » (What Went Down, 2015) est d’une beauté à couper le souffle et est introduite par un Yannis Philippakis (chant/guitare) qui hurle un « Fuck Trump ! Fuck Sarkozy ! Fuck Hollande ! » des plus convaincu. Malgré la fatigue due à leur marathon de festival en tant que headliners (Leeds et Reeding Festival ce même week-end), le groupe rend parfaitement tout ce que le public lui donne. Le rappel se fait sur un « What Went Down » des plus explosifs en live, permettant à Yannis de se faire porter par la foule durant la montée finale. Sans crier gare, le frontman interroge ensuite le public avec la question suivante : « Do you like math rock ? ». Contre toute attente, le groupe enchaîne sur le titre « Cassius », single issu de leur premier album Antidotes (2008). Selon Setlist.fm, ils l’avaient joué pour la dernière fois en France à l’occasion de l’édition 2010 de ROCK EN SEINE. 6 ans après, cette « old song » est d’une efficacité incontestable. Le final « Two Steps, Twice » achève de nous prouver à quel point les FOALS sont des bêtes de scène, et qu’ils sont désormais un groupe immanquable en live.
