MANTAR + DESERTED FEAR + DEATHRITE | Berlin (AL) | 23 avril 2017

mercredi 10 mai 2017


Parmi les révélations de la dernière édition du HELLFEST, le duo MANTAR fait clairement figure de proue pour la scène de la Valley. Leur dernier album Ode To The Flame, sorti en 2016 chez Nuclear Blast, est une belle réussite black'n'doom, et leur tournée européenne intègre le combo prometteur de crust grind DEATHRITE. A l’occasion d’un voyage à Berlin, difficile donc de passer à côté de cette date.

A propos de la capitale allemande, force est de constater que pour cette dernière semaine d’avril, les alentours de l’East Side Galery étaient des plus attractifs. Il y avait le « Live in Berlin » de l’envoûtante CHELSEA WOLFE au Berghain, avec en première partie WEAR YOUR WOUND (le nouveau projet du chanteur de CONVERGE Jacob Bannon), tandis que du côté de la piscine flottante du Badeschiff, on pouvait voir le punk hardcore des new yorkais de H2O. Les clubs des hangars de Friedrichshain ont quant à eux subi les sévices du DESERTFEST BERLIN, avec entre autre SAINT VITUS, SLEEP, JOHN GARCIA et BONGZILLA.

Mais pour ce concert berlinois de MANTAR, c'est dans dans le club Lido du mythique quartier de Kreuzberg que la messe opère, pour un show dont seule une poignet de tickets sont disponibles à l'entrée.

‡ DEATHRITE
Pour commencer la soirée, le syndrome « première partie avec un son pourri » frappe une fois de plus. Les façades sont largement trop poussées dans les aigues et la caisse claire, beaucoup trop forte, est étouffée au possible. Pour couronner le tout, on n’entend pas la voix de Tony sur le premier couplet du titre d’ouverture, et une fois le tir corrigé, elle est beaucoup trop poussive et caverneuse, évoquant celle d’un Attila Csihar (MAYHEM) des plus fatigués. Niveau rendu, on peut difficilement faire pire. DEATHRITE perd ici toute la puissance de son grindcore à la NAPALM DEATH (voir Into Extinction sorti en 2013) et annihile la superbe de son penchant blackened crust (perceptible sur l'album Revelation Of Chaos de 2015). Alors que les plans blastés et mid tempo passent plutôt bien, le reste n’est que d-beat insipide, ponctué de soli thrash qui semblent hors contexte. C’est réellement dommage, parce que le rendu studio des allemands est fortement appréciable et à des années lumières de cette prestation. Le public du Lido ne reprend d’ailleurs pas les « oï ! » de Tony, et DEATHRITE repart sans presque piper mot au bout de ses 30 minutes de set. Une réelle déception.


‡ DESERTED FEAR
Un back drop typé black metal plutôt agressif, une musique d’intro sortie d’un ouvrage de Tolkien et des membres un peu clichés qui se font un check collectif avant de se mettre en place. A ce moment-là, on se pose la question sur ce qui va se passer à la fin du sample et on est en droit de prendre un peu peur sur la suite des événements. Dès lors, DESERTED FEAR renvoi dans ses 22 tous les néophytes du combo ayant d’ores et déjà un a priori à leur égard. Manifestement attendu (et reconnu) par le public berlinois, le groupe balance un death mélodique ultra offensif et efficace au possible, avec un son réglé aux petits oignons. A mi-chemin entre le swedish death metal des premiers albums d’IN FLAMES et l’incroyable In Arms Of Devastation (2006) des canadiens de KATAKLYSM, DESERTED FEAR fait dans le catchy, en variant tapis de double pédale, d-beat thrash et blast. Sans en mettre partout, les morceaux vont clairement à l’essentiel mais sont nuancés par des structures réfléchies et des riffs extrêmement accrocheurs. « The Black Incantation » (My Empire, 2013) tire son épingle du jeu en rajoutant un petit côté fédérateur et on imagine très bien « Opein Their Gates » (Dead Shores Rising, 2017) dans l’album de KATKLYSM cité précédemment. Le death metal mélodique n’étant plus réellement dans l’ère du temps, DESERTED FEAR réussi la gageure de le faire finalement perdurer, sans pour autant le renouveler. Le groupe arrive néanmoins à lui donner une positivé substantielle, en particulier grâce à sa complicité avec son public. Les 40 minutes de set se déroulent sur un sans-faute (exception faite du dernier titre trop chevaleresque) et les allemands ont réellement su créer la surprise. Une petite douceur à ne pas rater aux détours d’un festival.


‡ MANTAR
Un show de MANTAR s’apparente quelque peu à une messe noire doom’n’roll satanique durant laquelle le combo allemand se livre à un exercice cathartique des plus intenses. Se faisant face, le duo offre visuellement un diptyque parfait entre le guitariste chanteur Hanno Klärhardt et le batteur Erinç Sakarya. Alors que le premier est un écorché vif dont le corps d’esthète se déshumanise à chaque fois qu’il hurle sa plainte au micro, le second est une masse épaisse dont chacune des frappes sur ses fûts est synonyme de jugement dernier. MANTAR délivre une musique incroyablement personnelle et totalement déterminée, tout en trouvant son écho au sein d’un public pour le moins subjugué. Dès le deuxième titre, le Lido se met en mouvement sur les ondes black’n’roll du groupe, qui groovent à la façon d’un Now, Diabolical (2006) de SAYRICON avec un son largement plus doom. Berlin reprend massivement en chœur le dernier couplet de « Spit » (Death By Burning, 2014), ainsi que les refrains de « Era Borealis » (Ode To The Flames), donnant à ce show des allures de réunion sectaire où les fidèles répondent massivement à leurs maîtres. « Cross The Cross » est incontestablement le titre le plus tubesque de leur dernier album, d’une puissance live remarquable. Un 7" avec une face imprimée a d’ailleurs été pressé en édition limité pour cette tournée européenne. Bien que les titres cités précédemment soient plutôt percutants, un concert de MANTAR reste tout de même une expérience live qu’il faut réussir à digérer, de la même manière qu’un show d’AMENRA ou de NEUROSIS. Leur son doom est d’une lourdeur surprenante pour un duo, poussant clairement le spectateur dans ses derniers retranchements passé une heure de show. « Sundowning » (Ode To The Flame) fait d’ailleurs partie de ces morceaux qui scient les jambes en fin de set, avec des passages tout en suspens et un Erinç Sakarya qui joue interminablement le dernier rythme de batterie en solo. Le final « White Nights » (Death By Burning) est plutôt majestueux avec sa mélodie post black metal, et on se demande comment Hanno Klärhardt arrive à sortir un son aussi gras avec sa guitare. Celui-ci clôture le set dans un déluge de larsens et d’effets noise, marquant d’un point d’orgue la délivrance de cette âme possédée aux allures de reptile. 1h20 de MANTAR, c'est clairement éprouvant, mais on peut considérer que c'est finalement le but recherché. Cependant un set plus court serait amplement suffisant pour nous emporter dans les abysses, sans que cela soit à la limite du supportable.