Les planches du Trabendo tremblent encore du dernier passage de CONVERGE lors du DEATHWISH FEST en 2015, et c’est accompagné d’un plateau pour le moins éclectique que les bostoniens reviennent en 2017 pour remettre le chaos dans ce même club parisien. Co-organisé par Kongfuzi et My Favorite, ce concert marque la fin d’une semaine de tournée avec HAVOK (thrash moderne), GORGUTS (death avant-gardiste) et REVOCATION (thrash/death progressif). C’était le dernier weekend d’août et ça s’est passé à guichet fermé.
Initialement à l’affiche du Download Festival France 2017 (live report à lire ici), CONVERGE avait finalement annulé sa venue estivale en Europe pour se focaliser sur l’enregistrement de son nouvel album The Dusk In Us à paraître en octobre prochain chez Epitaph Records. 5 ans après le très bon All We Love We Leave Behind, le groupe n’a pas vraiment laissé ses fans sur le banc de touche puisqu’ils ont sorti le 7" Live At The BBC en 2014, l’incroyable coffret collector Thousands Of Miles Between Us en 2015 (qui contient un live, un documentaire et tout un tas de goodies), une réédition de You Fail Me en 2016 (remasterisé et remixé par Kurt Ballou) et l’intégrale live du chef d’œuvre Jane Doe joué au Roadburn Festival en 2016. Même si tous ces objets sont de qualité, il était quand même grand temps que CONVERGE nous fournisse un peu de nouveauté à se mettre sous la dent. L’été 2017 aura finalement été productif puisque le combo en a profité pour sortir le 7" I Can Tell You About Pain, contenant le premier extrait de l’album à venir. Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, l’annonce de ce passage à Paris est tombée dans la foulée, ce qui donne une bonne occasion de prendre la température sur leur prochain rejeton.
‡ REVOCATION
Les américains de REVOCATION ouvrent le bal devant un parterre plutôt épars malgré le public présent en nombre dès l’ouverture du Trabendo. Ça envoie globalement du thrash/death plutôt technique qui a tendance à s’éparpiller dans les différentes sphères des musiques extrêmes comme le death mélodique et le metal progressif. De ce point de vue-là, le groupe semble parfois se perdre plus qu’autre chose dans les dédales de ses morceaux avec des structures assez complexes, passant ainsi du coq à l’âne d’un titre à un autre (ou d’une mesure à une autre). Scéniquement, il n’y a pas de réelle valeur ajoutée si ce n’est l’investissement du bassiste Brett Bamberger, réel homme de Cro-Magnon empli de fougue dans le doigté et le headbanging. Quand REVOCATION fait dans le thrash basique et technique (voir le très bon « Schorched Earth Policy » de l’album Deathless sorti en 2014) ou le death plus linéaire et massif, le groupe fait globalement mouche. Mais lorsque que les bostoniens rajoutent du progressif à tour de bras, avec en particulier des passages de flottement ou des soli de death mélodique (voir « Crumbling Imperium » de leur dernier effort Great Is Your Sin sorti l’année dernière), pas sûr que tout le monde y trouve son compte. Le travail et la technique sont là, mais ça manque cruellement d’efficacité. Le dernier titre du set, « Dismantle The Dictator » (Existence Is Futile, 2009) est finalement à l’image du show : il y a de très bonnes choses, mais ça va parfois un peu trop loin. REVOCATION, c’est sympa pour passer le temps, mais ça va pas donner des tartines mémorables à son auditoire.
Photographie de Matthis Van Der Meulen : Facebook
‡ GORGUTS
« Ça va les cousins ? Ça fait vraiment plaisir d’être chez vous jouer du heavy metal ! ». Ok, on a bien des québécois en face de nous. Avec son t-shirt rouge pétant, ses cheveux longs et sa barbe grisonnante, Luc Lemay (guitare/chant) fait un peu office de papa Noël avant l’heure. Passé ces remarques peu convenues sur leur leader, GORGUTS nous sert un death metal technique et abyssal qui manque de pertinence à cause d’un son qui lui fait perdre en profondeur. Ceci étant dit, leur style reste relativement linéaire malgré la tripotée de zigouigouis et de trucs chelous qui se passent sur les manches des cordistes (voir « Obscura » et « Nostalgia » de l’album Obscura sorti en 1998). N’étant pas friand d’avant-gardisme métallique, l’histoire s’arrêtera là au bout de trois morceaux.
Photographie de Matthis Van Der Mullen : Facebook
‡ HAVOK
D’après Kongfuzi, « au sein de la nouvelle génération thrash, HAVOK forme un nouveau "big four" avec MUNICIPAL WASTE, TOXIC HOLOCAUST et LOST SOCIETY. » Sachant que MUNICIPAL WASTE a déjà été live reporté à l’occasion du Persistence Tour 2017 (lien ici), ainsi que LOST SOCIETY pour le Download Paris 2017 (lien ici), il va s’en dire que ce show de HAVOK est plutôt attendu étant donné ma propension à adhérer au thrash crossover moderne susmentionné. Pour le coup, Kongfuzi n’usurpe personne et la soirée commence réellement à partir de là : un petit sample du genre Carmina Burana/ « Silverster Anfang » (MAYHEM/Deathcrush, 1987) fait bouillonner le public avant que le groupe ne déboule pour envoyer les pèches d’appel de « Prepare For Attack » (Time Is Up, 2011). David Sanchez (chant/guitare), marcel SUICIDAL TENDENCIES enfilé, profite des breaks d’intro pour déjà taquiner le Trabendo, et celui-ci lui répond dignement en lançant les premiers mouvements de foule dès les premiers accords. HAVOK est super chaud, les potards sont au maximum, et bordel qu’est-ce que c’est cool ! Les avalanches de riffs vont bon train, les d-beat thrash sont là, et les tapis de double pédale font le taff. C’est frais, y’a une petite veine crossover dans le refrain, et le groupe convainc d'entrée de jeu. Contrairement à leurs collègues de ce fameux nouveau big four of thrash cité plus haut, ils semblent un peu plus influencés par SUICIDAL TENDENCIES et INFECTIOUS GROOVES. De fait, la basse de Nick Schendzielos est mise à l’honneur dès le second titre « F.P.C. » issu de leur album Conformicide sorti au mois de mars. Non seulement des LED vertes décorent le manche du bassiste de JOB FOR A COWBOY, mais ses lignes se révèlent relativement savoureuses dans ce morceau non dénué d’un certain groove infectieux. Pour les d-beats rapides à heabanging, « Hang ‘Em High » (Conformicide) secoue clairement les cerveaux et « Ingsoc », qui rappelle « Hollow Eye » de LOST SOCIETY (Braindead, 2016), montrent les talents de Reece Scruggs et de David Sanchez lorsqu’il s’agit de balader leurs doigts sur leurs cordes. Les circle pits prennent timidement, mais l’assemblée est réellement réceptive à ce que le combo américain lui assène dans les mirettes. Lorsqu’il s’agit de faire dans l’efficace, « Covering In Fire » (Time Is Up) lorgne avec le crossover de MUNICIPAL WASTE (en particulier « Sadistic Magician » de The Art Of Partying sorti en 2007), ce qui n’est absolument pas pour déplaire. Après un show aussi énergique, HAVOK mérite donc clairement son titre, et le revival thrash que connait la décennie annonce encore de belles déferlantes de riffs à venir dans nos esgourdes.
Photographie de Matthis Van Der Mullen : Facebook
‡ CONVERGE
Lorsque Noisey a interviewé Jacob Bannon (chant) pour classer les albums de la discographie de CONVERGE, celui-ci a révélé les préférer dans l’ordre déchronologie (à lire ici). De fait, cela se ressent directement dans la setlist du soir avec une grande majorité des morceaux qui tournent autour de Axe To Fall sorti en 2009 et All We Love We Leave Behind sorti en 2012. D’entrée de jeu, CONVERGE balance les openings de ces deux albums, à savoir respectivement « Dark Horse » et « Aimeless Arrow ». L’énergie et la puissance sont irréprochables, c’est rapide tout en étant mélodique, et surtout ça balance des bûches de hardcore chaotique aux quatre coins du Trabendo. Le public a tellement été impatient de voir le gang de Boston qu’il agace un peu le frontman en déplaçant régulièrement les retours. Fort heureusement, ça ne se reproduira pas par la suite. Le combo enchaîne avec « Under Duress », le premier extrait de la soirée de l’album à venir en octobre The Dusk In Us. Révélé quelques semaines plus tôt sur le web, ce morceau, bien qu’agréable à l’écoute, ne révolutionnait pas vraiment l’évolution du groupe. Mais en live, c’est une toute autre vision que le combo nous donne. Ultra massif, le titre dégage une violence sans pareil qui dévoile une part assez haineuse du quatuor. Habituellement plus axé sur l’émotion ou le chaos, on a ici le droit à une nouvelle facette d’un CONVERGE toujours enclin à faire de sa musique une catharsis des plus viscérale. A ce propos, Jacob Bannon semble s’être amaigri depuis le Hellfest 2016 et son visage s’apparente de plus en plus à celui de Gollum lorsqu’il regarde le public avec ses grands yeux globuleux. Après un « Trespasses » maelstromesque issu du dernier album, la basse de Nate Newton nous prend aux tripes dès les premières notes qui lancent l’incroyable « All We Love We Leave Behind ». Terriblement chargé en émotion, ce morceau est une réelle plainte de Jacob Bannon où les rythmes de Ben Koller accentuent la sentence. Et comme si ça ne suffisait pas, « Predatory Glow » (du même album) enfonce le clou dans un mid-tempo pachydermique et flottant. C’est là que Kurt Ballou rentre réellement en scène en se mettant en avant pour son riff final, défiant quiconque de balancer un son aussi lourdement travaillé. Le triptyque de Axe To Fall est très certainement un des gros point d’orgue de ce show avec l’enchaînement des morceaux « Reap What You Sow », « Cutter » et « Wroms Will Feed / Rats Will Feast ». Les deux premiers sont des machines chaotique qui donnent une nouvelle occasion à Kurt Ballou de montrer sa dextérité en plaçant des mini-soli aussi rapides qu’expéditifs, alors que le dernier est un puissant trois voix lancinant qui démontre que le guitariste n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de chanter avec ses tripes à la manière d’un redneck. Pour le second titre inédit en live, CONVERGE balance la face B de son 7" I Can Tell You About Pain sorti cet été. Se rapprochant d’un « Jane Doe » (Jane Doe, 2002) et d’un « Coral Blue » (All We Love We Leave Behind), « Eve » emmène le public parisien dans un voyage épique et stratosphérique. C’est Nate Newton qui chante les refrains pendant que Jacob fait ses couplets, soit à demi-mot, soit en s’écorchant. « I Can Tell You About Pain », issu du même 7" et premier extrait révélé de The Dusk In Us, clôture la période post-2009 de la setlist du soir. Tout à fait dans sa zone de confort avec ce titre, CONVERGE a ici un nouveau single punk-hardcore comme il sait bien le faire, mais avec un peu de chant clair de la part de Jacob Bannon. Il y a fort à parier qu’on risque d’entendre systématiquement ce morceau en live à partir de maintenant. Et comme on parle ici des classiques du groupe, « Eagles Become Vultures » (You Fail Me, 2004) et « Concubine » (Jane Doe) achèvent la première partie du show dans un déluge de violence qui excite indubitablement le pit et incite un slammeur téméraire à sauter depuis un des points hauts du Trabendo. Mais CONVERGE n’en a pas réellement fini avec le club parisien et revient une dernière fois transcender l’assemblée avec sa masterpiece « Jane Doe », chef d’œuvre mid-tempo de plus de 10 minutes dont la beauté n’a d’égale que l’authenticité. Pour cette sixième fois avec CONVERGE depuis 2012, les américains ont clairement fait le taff pour la dernière date de leur tournée européenne estivale. Kurt Ballou se révèle de plus en plus charismatique et Jacob Bannon a toujours autant d'énergie à libérer malgré sa quarantaine. Néanmoins, ce show est légèrement en deçà de la prestation qu'ils avaient donné dans ce même lieu lors du DEATHWISH FEST en 2015. La faute probablement à la setlist qui s'est vu amputée de 5 morceaux, malgré la présence de « Jane Doe » pour les deux shows.
Photographie de Matthis Van Der Mullen : Facebook
Un grand merci à Matthis Van Der Mullen pour m'avoir donné l'autorisation d'utiliser ses clichés !



