MORT BLEUE, c’est la convention de tatouage de Rouen qui s’est déroulée pour sa seconde édition les 16 et 17 septembre dans la salle de musiques actuelles le 106. Pendant deux jours, alors que la salle principale a donné l’occasion aux visiteurs de passer sous le joug des dermographes d’une trentaine d’artistes tatoueurs européens, les murs du Club ont quant à eux été le théâtre des décibels. Co-organisé par Chair et Tendre (studio de piercing et tattoo guest spot) et Terrain Vague (maison de disques, booking et touring), l’évènement a ramené les groupes FANGE, COWARDS, NUISIBLE et SONS OF IRON CROSS pour les concerts de la première journée.
Quelques groupes de Terrain Vague ont déjà fait couler de l'encre sur LES SILLONS DU STYX, que ça soit pour le Rouen Hardest Fest #1 avec le dernier show de LAZARE (live report à lire ici), pour la sortie du premier EP Hope Is Raped de SURROUNDED BY SINS (chronique à lire ici) ou pour la compilation One Standing Vol. 3 avec notamment PILORI (chronique sélective à lire ici). En tant qu'acteur éminent des musiques extrêmes en Normandie, la collaboration du label avec le studio Chair et Tendre est donc un bon moyen de promouvoir cette scène qui est intimement liée à la culture du tatouage.
CHAIR ET TENDRE : 104, rue Beauvoisine ROUEN | Facebook En plus des artistes présents, il y avait un certain nombre de stands représentant la culture alternative locale, dont en voici une sélection (non exhaustive) :
VISUAL INJURIES : Infographiste responsable de l’identité visuelle de la convention, il a également travaillé pour des festivals (Hellfest, Motocultor) et des groupes (ALEA JACTA EST, KAUSE 4 KONFLIKT, etc.). Avec MORT BLEUE #2, il inaugure sa nouvelle collection de vêtements en série limitée VI CLTHG. Facebook | Site web | Instagram
DE BRUIT ET D’ENCRE (94 rue Beauvoisine – Rouen) : Disquaire vinyle et cabinet de tatouage, cette boutique propose un large choix en matière de musiques extrêmes (mais pas que). Également le témoin d‘événements aussi undergrounds qu’expérimentaux, c’est probablement le meilleur spot rouennais pour dénicher les microsillons les plus audacieux. Facebook | Discogs
SANG D’ANCRE : Atelier de sérigraphies artisanales (textiles et papiers), ils ont notamment participé aux bundles limités de l’EP Hope Is Raped de SURROUNDED BY SINS (Terrain Vague) et du 7" A Silent Wound de PRIMAL AGE (Deadlight Entertainment). Facebook | Site web
‡ SONS OF IRON CROSS (Southern Metal/Stoner, Rouen)
SONS OF IRON CROSS, c’est la fusion entre un conducteur de grosses cylindrées drogué à la route 66 et un beatnik bien calé au fond dans son rocking chair, Gitane sans filtre au bec et verre de Jack Daniel’s à la main. D’entrée de jeu, c’est bien un truck US des familles qu’on se prend dans les gencives, et ça sent le désert et la sueur à plein nez. En d’autres termes, du bon southern metal avec des cojones grosses comme des pastèques. « Machu Picchu » et « Alien Summer », de leur dernier EP In Space sorti cet été chez Terrain Vague, nuance le propos en baissant légèrement la pression et en proposant quelques mélodies un peu plus aériennes. Mais surtout, c’est une belle influence CLUTCH qui ressort, la voix du frontman de SONS OF IRON CROSS rappelant pas mal celle de Neil Fallon (avec quelques paquets de Gauloise supplémentaires dans les cordes vocales). Le son, bien grassouillet, évoque également d’autres grands noms de la scène tels que DOWN et CROWBAR, et force est de constater que ça passe plutôt crème (voir « NOLA », la dernière piste de l’EP). A contre-pied de ça, impossible de s’enlever de la tête la similarité d’un des derniers riffs d’« Alien Summer » avec le thème principal de la dernière piste énigmatique du Vol. 3, The Subliminal Verses de SLIPKNOT, « Danger – Keep Away ». Non seulement ça fait l’effet d’une madeleine de Proust pour le moins inattendue, mais en plus c’est planant à souhait. Ce rapprochement est certes peu pertinent, mais qu’importe, le résultat est là. Le dernier morceau qui boucle ces 30 petites minutes de set sonne quant à lui très MOTÖRHEAD, la faute en particulier à Mr Beardman (guitare) qui porte un t-shirt à l’effigie du bombardier et dont la voix raisonne comme celle de feu Lemmy Kilmister. SONS OF IRON CROSS a donc fait une belle impression à l’heure du goûter, et il n’y a pas vraiment à hésiter pour lâcher quelques deniers sur leur dernier EP.
‡ NUISIBLE (Metal Hardcore/Blackened Crust, Rouen/Évreux)
Pour ceux qui aiment le metal hardcore et le black metal, le son de NUISIBLE est une douceur supplémentaire à se mettre dans les esgourdes. Parce qu’en plus de balancer des baffes blastées en nous plongeant dans les forêts norvégiennes les plus enneigées, le combo ébroïcienno-rouennais nous envoie des tartines de hardcore métallique absolument abrasives, et ce dès le premier morceau. Comme si le froid glacial du nord n’était qu’une raison suffisante pour nous exploser en mille morceaux après nous avoir littéralement gelés sur place. Mais le quatuor a plus d’un tour dans son sac et ce ne sont pas les mid-tempo death metal ou les down tempo assassins qui diront le contraire : il y a bien du ALL OUT WAR derrière tout ça (« Death Legacy »). Après un deuxième morceau à assonance grind, qui évoque par la même occasion le « God Is Dead » (CARNIVOR) qui clôture l’EP Dying Gods de ALL OUT WAR, direction le crust hardcore avec « Out Comes The Wolves », titre issu de Inter Feces Et Urinam Nascimur sorti chez Deadlight Entertainement l’an dernier. Même si les « danseuses » ne sont pas vraiment au rendez-vous du côté du public de la convention, on imagine aisément une horde de sauvageons battre des ailes et brasser des genoux sur les quelques 2-step sataniques que lui sert le combo. « Reign Of Confusion » raisonne d’ailleurs comme le chainon parfait pour faire le lien avec feu AS WE BLEED et feu LAZARE, rappelant de fait la hargne et la violence d’où sont issus les trois quart de NUISIBLE. Mais c’est bien Furet (guitare) qui marque les esprits à la fin de ce morceau, l’agilité exemplaire de sa main gauche offrant une touche death savoureuse pour finir le titre sur fond de d-beat. La basse de Damien ne survivra finalement pas à l’incroyable épopée black metal « Forest Fire » (Inter Feces Et Urinam Nascimur), le beatdown meurtrier clôturant le set ne lui laissant manifestement pas d’échappatoire possible. La musique néfaste du groupe parle d’elle même, et seuls les rats en savent quelque chose : « nous sommes nuisibles ».
‡ COWARDS (Negative Metal Hardcore, Paris)
Si on débarque dans le Club par hasard, il ne faut surtout pas se fier au t-shirt du bassiste de COWARDS qui est à l’effigie de l’album Hlidskjálf (1999) de BURZUM. Ici, ce n’est pas vraiment J. R. R. Tolkien et son univers fantastique qui anime le combo parisien, mais plus Gaspar Noé et les dérives exécrables d’un monde moderne bien réel. En dépit de quelques soucis d’ampli en début de set, on comprend vite que le groupe n’est pas venu pour faire de la figuration mais bien pour enfoncer 6 pieds sous terre son public du jour. Ouvertement violente et haineuse, la musique hardcore/sludge du combo laisse peu de répit à son auditeur en créant une ambiance aussi malsaine que brutale. Sans pour autant faire un copier-coller de KICKBACK, dont il s’inspire inévitablement, COWARDS réussi à réveiller cette agressivité inhérente à chacun d’entre nous pour la faire exploser sur des down tempo où sonne le glas de toutes formes de positivité. Quand j’avais vu le groupe en 2015 à Rouen puis au Throatruiner Fest à Paris, le public semblait plus réceptif que pour ce concert. La convention attire effectivement un nombre certain de curieux, et il va de soi que tout le monde n’est pas familier avec les musiques extrêmes. Pourtant, COWARDS profite de l’occasion pour donner à ce show un caractère d’exception en nous offrant deux featurings fort à propos. Le premier avec Greg de Terrain Vague (qui est aussi au micro dans PILORI) pour un titre crust plutôt expéditif, le second avec Matthias Jungbluth de Throaruiner Records (la voix de FANGE) pour le titre black/noise « Like Us » figurant sur l’EP Still (2016). La dernière sortie du groupe est un split 7" avec STUNTMAN, disponible chez Terrain Vague.
‡ FANGE (Harsh Noise/Powerviolence, Rennes)
Matthias Jungblunth (chant) lance les hostilités pile à l’heure pour le dernier concert de la soirée : « On s’appelle FANGE et la Terre est plate ! » Tel un chien errant, le frontman parcourt les 4 coins de la scène en hurlant toute son âme sur des rafales de riffs lorgnant avec le powerviolence, mais avec un son clairement noise. C’est Jean-Baptiste Lévêque qui est derrière les expérimentations bruitistes du groupe, lui qui martyrise sa machine avec véhémence. Dès le second titre, Matthias fait tomber le haut et continue sa course folle en se dandinant à la manière d’un IGGY POP transcendé par quelque chose d’encore plus extrême que de la poudre blanche. Le vocaliste m’avait déjà fait une forte impression lors de son live avec CALVAIIRE pour le Throatruiner Fest, certains luminaires du Glazart n’ayant pas vraiment survécu à sa prestation. Ce coup-ci, c’est son micro qui ne passera pas la moitié du set, celui-ci cessant de fonctionner après avoir été jeté par terre. Même quand on est un habitué des musiques extrêmes, le son de FANGE reste difficilement accessible mais tout de même surprenant. La prépondérance noise qui anime la première partie du show laisse assez peu de place pour l’oreille, le son de guitare de Benjamin Moreau étant incroyablement cradingue. Pour la seconde moitié du set, alors que Jean-Baptiste Lévêque se retrouve tout seul pour assurer ses parties vocales, les morceaux résonnent plus à la façon d’un hardcore métallique noisy. Le son de guitare de Benjamin est dès cet instant beaucoup plus accessible, mais pas moins travaillé pour autant. L’électricité générée par son ampli est quasi palpable, ce qui donne un certain cachet sur des plans conventionnels tels que des mid-tempo death ou des d-beat hardcore. Il est tout de même assez dommage que la fin du show se soit passée sans les screams de Matthias en façade, la voix sortant de ses tripes apportant énormément à chacun de ses projets. Le dernier 12" de FANGE, intitulé Pourrissoir et sorti en mars 2017, est bien entendu disponible sur le label/distro de son vocaliste, à savoir Throatruiner Records. C'est d'ailleurs ce même label qui est derrière Deathwish Europe, le distributeur officiel de Deathwish Inc dans nos contrées depuis maintenant 2 ans.
Un grand merci à Edouard Lefort pour m'avoir autorisé à utiliser ses clichés, ainsi qu'à Visual Injuries pour m'avoir permis d'utiliser quelques-uns de ses visuels.






