Acteur de la culture alternative à Rouen, c’est le collectif 5024 (ou SOZA) qui se cache derrière l’organisation de ce show aux antipodes des musiques extrêmes. D’un côté on a le doom astral des Rouennais de GREYFELL, qui défendent leur dernier album sorti en janvier. De l’autre, le blasted crust des Havrais de BRÛLÉ VIF dont le premier EP est sorti mars. Naturellement, le lieu était tout trouvé : le 3 Pièces.
Fort d’une notoriété toujours grandissante dans les bas-fonds des musiques obscures, GREYFELL a eu la chance de se produire au Motocultor l’année dernière pour remplacer NOCTURNAL DEPRESSION. De mon côté, j’ai écouté pour la première fois le groupe grâce à leur participation à la compilation One Standing Vol. 3 (chronique à lire ici). Pas vraiment conquis par le titre « Valhalla » (Vol. 1 : I Got The Silver, 2015), je n’ai cependant jamais eu l’occasion de les voir en live. Ce show au 3 Pièces est donc l’occasion de voir comment ça se passe du côté de la scène occulte rouennaise.
‡ GREYFELL
C’est finalement GREYFELL qui fait vrombir les murs en premier pour présenter son album Horsepower sorti en début d’année chez Argonauta Records et Atypeek Music. Dans toute l’intimité que la cave du 3 Pièces peut leur offrir, le combo délivre un doom rituel pesant qui transporte les plus fins adeptes du genre dans de sombres recoins spirituels. Proche d’un MONOLORD dans le son et la structure des morceaux (en particulier « Spirit Of The Bear »), l’ambiance qui se dégage du show évoque également un MONARCH! cérémonial en quête de transcendance. Les incantations célestes du bassiste y sont clairement pour quelque chose, surtout lorsque son chant est doublé par les chorus du machiniste. Les arrangements de ce dernier rajoutent d’ailleurs une touche expérimentale non négligeable à la formation. Les envolées fuzzy rythment quelque peu la performance entre les différentes phases nébuleuses qui s’abattent sur l’auditoire (voir « Horses »), rappelant de fait les influences stoner de leur premier méfait Vol. 1 : I Got The Silver (sorti chez Terrain Vague et Emergence Record en 2015). Néanmoins, la lourdeur des chapes de plomb, accentuées par une rythmique au fond du temps, ne m’a pas toujours convaincu durant le show. Cela étant, force est de constater que GREYFELL assume clairement son propos et décroche à mon égard le point qu’il n’avait pas marqué après l’écoute de « Valhalla » sur la compilation One Standing Vol. 3.
‡ BRÛLÉ VIF
Difficile de trouver de quoi respirer face au déluge BRÛLÉ VIF : c’est bien une déflagration sonore en bonne et due forme qui nous consume jusqu’à la chair. Il y a bien çà et là quelques mid tempo salvateurs (« Choices » et « We Should Know »), mais la combustion est telle que l’on suffoque inévitablement face au manque d’oxygène évident. Les mots « répit » et « compromis » sont clairement à proscrire avec le combo havrais, l’intensité frénétique du set étant inarrêtable. Cristallisation extrême de la violence et sublimation incandescente de la haine, l’exercice cathartique est pleinement réussi, aussi bien pour les membres du groupe que pour le public. Comparé à leur show avec ELEPHANTS dans ce même lieu en janvier dernier (live report à lire ici), le son est cette fois beaucoup plus travaillé : exit le côté death metal crasseux de janvier, place au grinded chaotic hardcore de mai. Pour le coup, ça sonne très CONVERGE (les blast beat en plus), et ça rappelle les jeunes années de CODE ORANGE KIDS dans la virulence. Pas d’échappatoire possible d’un point de vue rythmique : le batteur de CALL OF THE MOUNTAINS est une machine de guerre à qui l’air polonais sied à ravir. Hasard du calendrier ou volonté certaine de promouvoir leurs confrères, le « on s’appelle PILORI » tombe à point nommé étant donné que le split vinyle des Rouennais est sorti officiellement le jour-même. Fort de l’impact certain de ce show, BRÛLÉ VIF donne le change au public avec un rappel éclair quelque peu hasardeux mais qui satisfait son assemblée en prolongeant quelque peu la thérapie.